L’heure est à nouveau aux alliances entre forces capitalistes et fascistes. Face aux révoltes qui se multiplient, à l’effondrement d’un modèle de mondialisation capitaliste et à l’épuisement des ressources naturelles par le productivisme, les dominants ne cherchent plus à préserver l’illusion de compromis. L’heure est désormais au passage en force, où tous les moyens sont utilisés pour maintenir un ordre social inégalitaire et violent, quitte à reprendre des thèses et des méthodes longtemps associées à l’extrême droite.
Aux côtés des capitalistes traditionnels, dont les profits reposaient principalement sur la production de biens matériels, émergent désormais les « capitalistes du désastre » (Naomi Klein), qui prospèrent dans les crises et s’allient ouvertement aux néofascistes. Aux États-Unis avec Donald Trump, au Brésil avec Jair Bolsonaro, ou encore en Argentine avec Javier Milei, ces alliances entre le grand capital et l’extrême droite démontrent une stratégie mondiale : instrumentaliser les catastrophes économiques, sociales et écologiques pour asseoir leur pouvoir autoritaire.
En France, les élections législatives anticipées de juin 2024 ont marqué un tournant. Alors qu’une majorité d’électeurs et d’électrices avaient fait barrage au Rassemblement National et porté le Nouveau Front Populaire en tête au second tour, Emmanuel Macron a choisi de s’allier avec la droite la plus réactionnaire et de former un gouvernement avec le soutien tacite du RN. Ce bloc Macron/RN illustre l’évolution des alliances des classes dominantes, prêtes à pactiser avec l’extrême droite pour garantir leurs privilèges face aux crises sociales et environnementales.
Une stratégie d’alliance au service de la domination capitaliste et néofasciste
Ce basculement s’inscrit dans un cadre historique profondément ancré dans l’histoire coloniale de l’État français, qui a généré un racisme structurel et institutionnalisé. Cette histoire est aussi marquée par les renoncements et les échecs de la gauche institutionnelle. En acceptant la logique de compétition économique et en abandonnant les ouvrier·ères, les salarié·es subalternes et les territoires délaissés, des partis comme le PS ont contribué à la fragmentation géographique et sociale, facilitant l’ascension de l’extrême droite.
Face aux catastrophes écologiques et aux nouvelles guerres, nos gouvernements nous habituent progressivement à des solutions autoritaires et violentes : fermeture des frontières, répression des migrant·es, militarisation des politiques intérieures. Cette normalisation des politiques de rejet et de contrôle s’accompagne d’une tentative d’instiller la peur pour justifier l’autoritarisme et diviser les classes populaires.
Colère, résignation et repolitisation classes populaires
Cette stratégie, combinée aux erreurs stratégiques et aux renoncements de la gauche, alimente à la fois la colère et la résignation. Les abstentions massives lors des élections traduisent ce désenchantement politique : plus de la moitié des moins de 35 ans et des ouvrier·ères ne votent plus, se sentant trahi·es ou abandonné·es par les forces politiques traditionnelles. Cette abstention laisse la voie libre à une surreprésentation des classes favorisées et conservatrices (les plus âgé·es et les plus fortuné·es), qui imposent leur domination électorale.
Face à ce constat, il est urgent de reconstruire une dynamique politique démocratique et émancipatrice, capable d’impliquer les classes populaires dans la bataille politique globale, de refuser la fatalité des compromis avec l’extrême droite et de proposer une véritable alternative. Cette lutte passe par des mobilisations sociales massives, des batailles idéologiques pour déconstruire les discours de haine et de division, et par une réinvention des pratiques démocratiques à tous les niveaux.
Le « wokisme » : un épouvantail réactionnaire
Des décennies de luttes féministes, antiracistes, LGBTQI+, et pour les droits des personnes en situation de handicap ont permis de faire reculer les idées conservatrices et discriminatoires dans la société. Aujourd’hui, il est parfois plus difficile, même pour un·e leader de droite, de tenir ouvertement des propos sexistes, racistes, homophobes ou validistes, comme pouvaient le faire sans retenue les figures historiques du RPR ou du FN. Mais ces discours ne disparaissent pas : ils se camouflent.
Un empire médiatique au service de l’extrême droite
Menaces contre l’État de droit : une dérive autoritaire systémique
L’État de droit : un obstacle aux ambitions autoritaires
Dès sa nomination dans le gouvernement Barnier, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, annonçait : « L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré ». Derrière cette déclaration se cache une vision inquiétante : la justice, la Constitution et la séparation des pouvoirs – garants des libertés fondamentales – sont perçus comme des entraves aux projets autoritaires et liberticides. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont multiplié les lois restrictives et les attaques contre les droits fondamentaux, souvent sous prétexte de lutter contre le terrorisme ou de garantir l’ordre public. Des lois telles que la « Sécurité globale » (2021) ou la SILT (2017) ont inscrit dans le droit commun des mesures d’exception qui fragilisent les libertés individuelles et collectives, tout en renforçant la surveillance de masse et la répression des mobilisations sociales.
Les menaces, censures et dissolutions les plus récentes : un aperçu des dérives autoritaires et des résistances institutionnelles
Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs n’ont cessé d’étendre leur arsenal répressif tout en flirtant avec les limites de la légalité. Ces attaques répétées contre les libertés fondamentales ont souvent été accompagnées de censures ou de contestations institutionnelles. Voici quelques jalons récents illustrant ces tensions croissantes entre le pouvoir exécutif et les garde-fous démocratiques…
La construction d’un « ennemi intérieur » : islamophobie et racisme d’État
En France, l’islamophobie structurelle découle directement de l’héritage colonial et d’une histoire de privilèges accordés aux populations blanches. Des lois comme celle sur les signes religieux à l’école (2004) ou la loi « séparatisme » (2021) ciblent spécifiquement les musulman·es, en les présentant comme une menace pour la sécurité nationale. Ces politiques discriminatoires se traduisent par des dissolutions arbitraires d’associations (comme le CCIF), des perquisitions abusives, des expulsions décidées sans recours judiciaire et des interdictions ciblant les pratiques culturelles et religieuses (comme le port de l’abaya). Simultanément, les discours gouvernementaux associent régulièrement immigration, islamisme et insécurité, consolidant la figure d’un « ennemi intérieur ».
En parallèle, l’immigration est systématiquement construite comme une menace extérieure. Depuis 2014, plus de 20 000 migrant·es ont péri en Méditerranée, victimes des politiques de fermeture des frontières de la Forteresse Europe. En France, les discours et lois criminalisant les personnes migrantes se multiplient, instaurant un parcours d’obstacles inhumain pour l’obtention d’un statut légal.
Une police violente et impunie
Les violences policières en France ne sont pas nouvelles ; elles s’inscrivent dans une longue histoire répressive liée aux colonies, aux quartiers populaires et aux banlieues. Ces violences sont exacerbées par une police fortement politisée à droite et à l’extrême droite, bénéficiant d’une impunité institutionnalisée. La loi « Sécurité publique » de 2017, surnommée « permis de tuer », en est une illustration : elle autorise les forces de l’ordre à ouvrir le feu en cas de refus d’obtempérer, comme ce fut le cas pour l’assassinat de Nahel en 2023.
Malgré les multiples alertes du Défenseur des droits, de la CEDH ou de l’ONU, les réformes n’ont fait qu’accentuer la violence et l’impunité policières. Contrôles au faciès, harcèlement des habitant·es des quartiers populaires, obstruction à la justice et intimidations politiques s’inscrivent dans un processus plus large de fascisation et d’érosion des garanties démocratiques.
Un combat urgent pour la justice et la démocratie
Face à ces dérives, il est impératif de construire une résistance large et déterminée :
- Défendre les libertés fondamentales contre les lois liberticides.
- Combattre l’islamophobie structurelle et le racisme d’État, en dénonçant les politiques discriminatoires et les discours stigmatisants.
- Soutenir les droits des migrant·es et exiger l’ouverture des frontières, tout en dénonçant la complicité des États dans les tragédies migratoires.
- Réformer profondément la police, en exigeant un contrôle démocratique et indépendant, et en combattant l’impunité des violences policières.
Ces luttes ne sont pas dissociables : elles sont les pierres angulaires d’un projet de société véritablement démocratique, égalitaire et antiraciste. Si nous laissons ces attaques contre l’État de droit se banaliser, nous risquons de voir s’effondrer les fondements mêmes de la démocratie et de la justice sociale.
propositions : Contre une république raciste et discriminatoire, pour toutes les égalités
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