Face à l’imbrication des dominations et à l’accélération des destructions écologiques et sociales, il est clair qu’aucune transition linéaire ou graduelle ne suffira à bâtir un monde vivable. Des révolutions sont indispensables, mais celles du 21ᵉ siècle ne seront ni instantanées ni uniformes. Elles s’inscriront dans des processus longs, marqués par des moments d’accélération – soulèvements, ruptures institutionnelles, grèves, blocages – et par une combinaison d’initiatives locales, de conquêtes sociales, d’autodéfense, d’élections et de réformes radicales. La clé est une lutte à toutes les échelles, pour l’autonomie, la démocratie et toutes les égalités dans chaque aspect de la vie.
Ni réforme sans révolution, ni révolution sans réformes
Dans le vieux débat entre réforme et révolution, nous optons pour une approche révolutionnaire comprise comme un processus continu, ou révolution longue. Cela ne signifie pas un rejet des réformes. Bien au contraire, toute avancée qui améliore le rapport de forces, freine les dynamiques fascistes ou préserve des droits conquis est essentielle. Nous participons activement à ces luttes, y compris aux côtés des forces qui porteraient ces réformes, tout en reconnaissant leurs limites. Les réformes doivent être des points d’appui pour les luttes futures, non des fins en soi.
La mythologie du « Grand Soir » – l’idée d’un basculement soudain et total vers une nouvelle société – n’est plus tenable. La transformation sociale et écologique devra s’opérer par un long cheminement, combinant avancées institutionnelles et expérimentations populaires. Ces deux dimensions – le changement « par en haut » et « par en bas » – doivent se nourrir mutuellement. Des institutions démocratiques permettant une maîtrise collective du développement social doivent s’appuyer sur des initiatives locales concrètes (éco-agriculture paysanne, coopératives, ZAD, initiatives écoféministes…).
Le rôle des révolutions : cristalliser les avancées populaires
Les révolutions ne sont pas des raccourcis. Elles constituent des moments d’exacerbation des luttes sociales, où le conflit entre les dominants et les dominé·es atteint son paroxysme. Elles jouent un rôle décisif en cristallisant les avancées sociales et démocratiques dans de nouvelles institutions. Historiquement, même des réformes importantes – comme le New Deal aux États-Unis ou les avancées sociales du Conseil national de la Résistance en France – ont été obtenues sous la pression de luttes majeures et sous la menace de révolutions.
Les révolutions sont aussi nécessaires pour résoudre les situations de double pouvoir, lorsque les institutions capitalistes entrent en confrontation avec des formes émergentes de pouvoir populaire. Ces moments décisifs permettent de transformer la société en profondeur, en redistribuant le pouvoir et les ressources.
La question décisive de la propriété et de la socialisation
Une rupture essentielle portera sur l’expropriation des capitalistes et la propriété sociale des moyens de production, d’échange et de communication. Il ne s’agira pas simplement de nationaliser, mais de socialiser, en attribuant le pouvoir de décision à celles et ceux qui sont directement concerné·es et qui produisent les richesses, mais pas seulement: travailleur·ses, usager·es, riverain·es, associations environnementales, collectivités locales et, dans certains cas, pouvoirs publics à des échelles nationales ou internationales. La socialisation remplace la propriété étatique par une gestion démocratique et collective, ancrée dans les besoins des populations et du vivant.
Dans le domaine du travail comme dans tous les autres, la conquête de nouveaux droits et pouvoirs partagés – entre travailleur·ses, citoyen·nes et usager·es – sera la pierre angulaire de la transformation sociale-écologique et démocratique. C’est dans cet équilibre entre réformes concrètes et horizons révolutionnaires que se joue notre avenir commun.
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