Pour un féminisme radical et intersectionnel

Le patriarcat et le capitalisme se nourrissent mutuellement. Le capitalisme repose sur l’oppression patriarcale des femmes et des minorités de genre pour assurer la reproduction de la force de travail à moindre coût, tout en maximisant ses profits. Cette reproduction sociale, souvent invisibilisée, est aujourd’hui profondément en crise. La destruction néolibérale des services publics de santé, d’éducation, de soin, de prise en charge des personnes dépendantes et de la petite enfance transfère cette charge sur les femmes, dans un cadre familial non rémunéré, ou sur des travailleuses toujours plus précaires, souvent racisées, exerçant dans des conditions de travail indignes.

Depuis plusieurs années, une vague féministe puissante et internationale a émergé pour dénoncer ces injustices structurelles. Du mouvement « Ni Una Menos » en Argentine, Uruguay, Chili, Pérou et dans l’État espagnol dès 2015, au mouvement #MeToo qui explose à l’échelle mondiale à partir de 2017, ces luttes s’élèvent contre les féminicides, les violences sexistes et sexuelles, le viol et la culture du viol. Les violences patriarcales touchent encore plus durement les femmes racisées, migrantes, musulmanes ou supposées telles, prises dans l’entrelacement du racisme, du sexisme et de la précarité.

Notre féminisme doit être radicalement inclusif et tourner définitivement la page des formes de féminisme liées au racisme, notamment islamophobe, au mépris de classe et à l’exclusion des femmes racisées, migrantes ou issues des quartiers populaires. Il doit reconnaître pleinement les luttes spécifiques portées par ces femmes et leur accorder une place centrale. Cela inclut la lutte pour le droit à s’habiller comme on le souhaite, pour l’autodéfense contre les violences sexuelles et sexistes, pour sortir de la précarité, pour accéder à un logement digne et à des services publics de qualité.

Malgré une contre-offensive réactionnaire qui cherche à invisibiliser les violences patriarcales et à rétablir le silence, les voix des femmes se libèrent et brisent les tabous. La tolérance systémique à la violence sexiste commence à s’effriter, sous l’impact des mobilisations féministes de la « quatrième vague ».

Pour développer un féminisme de classe, antiraciste, écologiste et inclusif, l’autoformation est un enjeu crucial. Elle doit porter sur l’histoire des luttes féministes et LGBTQI+, les apports des féminismes matérialistes, afroféministes, écoféministes et des théories contemporaines de la reproduction sociale. Ces savoirs sont des outils essentiels pour comprendre et transformer les oppressions systémiques que nous combattons.

Mais quelle organisation politique est aujourd’hui capable de construire avec les jeunes militantes féministes et de leur donner toute leur place ? Ces militantes de la quatrième vague, par leurs pratiques innovantes – grèves féministes, collages, campagnes sur les réseaux sociaux – renouvellent les stratégies et les formes de lutte contre le patriarcat. Une organisation politique à la hauteur des enjeux doit intégrer ces pratiques, s’en inspirer et leur permettre de s’épanouir dans un cadre démocratique et inclusif.

La révolution féministe mondiale, l’abolition du patriarcat – qui, bien qu’antérieur au capitalisme, ne disparaîtra pas automatiquement avec lui – est pour nous un objectif fondamental. Elle doit être une préoccupation constante de toutes nos luttes sociales et politiques. Sans la fin du patriarcat, il n’y aura pas de justice ni d’émancipation réelle.

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