Conjurer les catastrophes, construire l’alternative

5/03/2025

Alors que s’opère au niveau mondial un tournant politique vers le néofascisme et l’aggravation des catastrophes écologiques et sociales, nous proposons quelques éléments d’analyse de l’actualité et de réponse politique, développées dans notre Manifeste pour une nouvelle force politique, en espérant qu’elles soient discutées largement et puissent contribuer au nécessaire renouvellement de la gauche radicale.

Un monde en crise : inégalités, catastrophes écologiques et montée de l’extrême droite

L’impact des politiques capitalistes ces dernières décennies est vertigineux : les inégalités explosent, les services publics se délitent, les travailleurs précarisés subissent des conditions de plus en plus dures, tandis que les écosystèmes s’effondrent sous l’effet du dérèglement climatique et de l’exploitation effrénée.

Le dernier rapport d’Oxfam rappelle que :

  • Depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune, tandis que la richesse cumulée de 5 milliards de personnes a baissé.
  • En France, les quatre milliardaires les plus riches (Arnault, Bettencourt Meyers, Wertheimer) ont vu leur fortune augmenter de 87 % en quatre ans, en pleine crise sociale et économique.

Cette dynamique conduit à une montée en puissance des catastrophes climatiques et des guerres meurtrières. L’inaction et la complicité des gouvernements face à l’effondrement climatique entraînent des conséquences désastreuses : sécheresses, incendies, tempêtes et inondations ravagent des régions entières. Pendant ce temps, les conflits se multiplient sous l’effet de la compétition pour les ressources et de la montée des impérialismes, et les capitalistes se tournent massivement vers l’extrême droite et un projet néofasciste.

Donald Trump : « Drill baby, drill!” (“Fore, chérie, fore !”)

L’élection de Trump à la présidence des États-Unis pourrait marquer un tournant dans les rapports de force mondiaux :

  • Il incarne une volonté assumée de brutaliser la planète et les peuples, en intensifiant l’exploitation des ressources naturelles, la répression et les conflits. En témoignent notamment la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine résistante et le chantage exercé pour s’accaparer les minerais du pays, ainsi que le veto (dans le prolongement de la politique habituelle des Etats-Unis) au vote d’une résolution de l’ONU sur un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
  • Son slogan « Drill baby, drill! » illustre l’alliance avec l’industrie pétrolière et le rejet total des engagements climatiques.
  • Son soutien affiché par les géants de la tech et de la finance (Tesla, Amazon, Meta, Apple, banques, industrie de l’armement) montre que les grandes entreprises sont prêtes à accompagner ce tournant réactionnaire.

L’alignement des milieux économiques sur un projet autoritaire et productiviste renforce la nécessité d’une riposte antifasciste massive, combinant luttes écologiques et sociales, féministes, antiracistes, anti-validistes et anti-impérialistes.

Une offensive contre l’écologie : le productivisme comme projet destructeur

Face à l’urgence climatique, les gouvernements et multinationales continuent de sacrifier la planète au profit de leurs intérêts économiques, accélérant l’extraction des ressources et la destruction des écosystèmes.

Aux États-Unis, Trump et les républicains, alliés aux industries fossiles, ont démantelé les régulations environnementales et défendent une politique de pillage total des ressources naturelles. Dans le monde, la déforestation en Amazonie, la montée des températures et l’accaparement de l’eau mettent en péril des millions de vies, tandis que les États criminalisent les populations autochtones et les militant·es écologistes.

En France, l’inaction climatique du gouvernement va de pair avec une régression écologique sans précédent : réintroduction  des pesticides, – entre autres – des néonicotinoïdes, allègement de plusieurs réglementations sur la construction de gros bâtiments d’élevage, sur l’aménagement de réserves de stockage d’eau comme les mégabassines, sur la réglementation sur les haies, attaques contre l’Ademe et l’agence française de biodiversité..

La répression des militant·es écologistes s’accentue  :

  • Violences policières à Sainte-Soline et contre les activistes climat.
  • Soutien aux projets destructeurs comme les mégabassines ou l’artificialisation des terres agricoles.
  • Greenwashing des grandes entreprises, qui affichent des engagements écologiques tout en maximisant leurs profits via la pollution et l’exploitation.

 Face à ces défis, l’environnementalisme et son projet de capitalisme vert n’est que la béquille du capital. Il ne peut y avoir de justice sociale sans justice écologique : la lutte pour la planète est indissociable du combat contre le néolibéralisme et l’extrême droite.

Une offensive contre les droits des femmes et LGBTQI+ : un retour du patriarcat autoritaire

Partout dans le monde, les droits des femmes sont attaqués par des gouvernements réactionnaires, des lobbies religieux et des groupes masculinistes qui cherchent à restaurer un ordre patriarcal oppressif : interdiction de l’avortement dans plus de 20 Etats aux Etats-Unis, répression du mouvement féministe en Iran, restriction ou criminalisation de l’IVG en Pologne, Hongrie… La montée de l’extrême droite s’accompagne également d’une attaque systématique contre les droits des personnes LGBTQI+, notamment aux Etats-Unis, dans le but de restaurer un ordre patriarcal et hétéronormatif

En France, la montée de l’extrême droite et des discours masculinistes banalise l’antiféminisme :

  • Attaques contre #MeToo et réhabilitation des agresseurs, minimisation des violences sexistes.
  • Groupes antiféministes comme Nemesis relayant la haine des droits des femmes.
  • Accès à l’IVG fragilisé par le manque de centres et le harcèlement des militants anti-choix.

Une offensive raciste et islamophobe : un instrument du pouvoir autoritaire

Partout dans le monde, le racisme et l’islamophobie sont utilisés comme des outils de domination politique et sociale, permettant aux gouvernements réactionnaires et aux classes dominantes de diviser les opprimé·es et détourner l’attention des véritables responsables des crises économiques et sociales.

Aux États-Unis, les politiques racistes de Trump et des républicains ont renforcé la répression des minorités noires et latino-américaines, intensifié la violence policière et multiplié les lois anti-migrant·es, criminalisant l’aide aux exilé·es et militarisant la frontière avec le Mexique. À l’échelle mondiale, la montée du suprémacisme blanc et du nationalisme exacerbe les discriminations, que ce soit en Inde sous Modi, où l’extrême droite persécute les musulmans, en Israël, où le génocide permet le renforcement de l’apartheid contre les Palestinien·nes, ou dans de nombreux pays européens où les partis racistes gagnent du terrain.

En France, l’extrême droite et les médias dominants attisent la haine contre les immigré·es et les musulman·es, en les désignant comme boucs émissaires des crises économiques et sociales.

  • Lois liberticides contre les musulman·es, sous couvert de « laïcité ».
  • Violences policières ciblant les quartiers populaires et les personnes racisées.
  • Attaques répétées contre l’immigration, remettant en cause les droits fondamentaux des exilé·es.

La haine contre les immigrés et les musulmans ne remplacent pas mais au contraire viennent se rajouter aux marqueurs historiques de l’extrême-droite que sont l’antisémitisme, le négationnisme, la nostalgie de l’ordre colonial.

La lutte contre tous les racismes, sous toutes ses formes, doit être au cœur du combat contre le néofascisme et le capitalisme autoritaire.

Un système profondément validiste

Le capitalisme néolibéral repose sur un modèle productiviste et validiste, marginalisant les personnes en situation de handicap. Trump et les conservateurs ont tenté de détruire le système d’assurance maladie, mettant en danger des millions de personnes handicapées. En France, la non-individualisation de l’AAH maintient des milliers de personnes dans la dépendance économique.
L’extrême droite instrumentalise les personnes en situation de handicap tout en prônant des politiques qui les excluent du marché du travail, des espaces publics et de la vie sociale.

Une situation qui se reflète en France

En France, les classes dominantes favorisent la montée de l’extrême droite :

  • En orchestrant une offensive médiatique raciste et islamophobe.
  • En donnant une tribune aux discours masculinistes et antiféministes.
  • En légitimant des groupes comme Nemesis, tout en réprimant les luttes progressistes.

Dans le même temps, les profits des grandes entreprises explosent : le CAC40 a versé 98 milliards d’euros aux actionnaires en 2023.

Après l’espoir du NFP, la déception et la nécessité d’une nouvelle dynamique

Face à ces offensives, l’élection législative de 2024 et une mobilisation large et inédite pour le Nouveau Front Populaire ont incarné un espoir : celui d’une gauche unie contre l’extrême droite.

Malheureusement, les 4 principaux partis politiques du NFP ont préféré polémiquer sur des solutions institutionnelles sans lendemain et sans aucun résultat tangible pour la population qui ont entrainé déception et lassitude parmi toutes celles et ceux  qui ont voté pour les candidat·es du NFP, notamment les militant·es des forces citoyennes, associatives, syndicales, qui s’étaient associées au NFP, lui donnant ainsi une forte dynamique potentielle. Il est urgent de renoncer aux illusionsélectoralistes, qu’elles soient portées par un faux-semblant de sérieux et de modération qui n’est qu’une soumission aux intérêts dominants, ou par la perspective de victoire d’un leader qui n’aboutira à rien faute de mobilisation de la société par « en bas ». Néanmoins partout dans le pays des collectifs locaux du NFP se sont constitués pour faire vivre l’unité populaire à la base et dans l’action à partir du programme du NFP.  Nous appuyons la coordination de ces collectifs qui se réuniront le 22 mars à Paris pour mutualiser leurs expériences et discuter des conditions de l’unité y compris dans les prochaines échéances électorales De même nous appuyons tout ce qui peut permettre de construire une riposte large et radicale : des assemblées populaires pour toutes les luttes

Les assemblées populaires que nous appelons à créer doivent être des espaces :

  • D’organisation et de lutte, au-delà des échéances électorales.
  • D’action concrète, en construisant des campagnes sur les urgences sociales et écologiques.
  • D’inclusivité réelle, où les minorités opprimées ne sont pas mises de côté au profit de la gauche institutionnelle.

Un autre monde est possible : un projet révolutionnaire et désirable

Nous sommes des millions à refuser un système fondé sur l’exploitation, les oppressions et la destruction. Nous voulons un monde libéré du capitalisme, du patriarcat, du racisme et du validisme, où chacun·e a le droit d’exister librement et à égalité, sans oppression ni précarité. Cela suppose un contre récit  d’une société désirable face à celui de la contre révolution en marche au niveau international  qui allie à la fois un narratif raciste, sexiste, validiste à l’illusion moderniste de nouvelles frontières (conquête des esprits avec l’IA, conquête des corps avec le transhumanisme, conquête de l’espace avec Mars, etc).

Ce monde ne se construira pas dans les institutions actuelles, mais par une rupture radicale portée par celles et ceux qui subissent l’injustice au quotidien.  Cette rupture se construit  dès maintenant dans les luttes sociales et écologiques,  dans les ZAD, dans la consruction d’alternatives comme la sécurité Sociale de l’alimentation, dans des formes de coopération, de bifurcation et de démocratie au travail .Nous voulons une démocratie autogestionnaire et populaire, où les décisions appartiennent à la population, et une économie au service des besoins humains et écologiques, et non du profit.

« On construit l’Alternative » : une force révolutionnaire et unitaire

« On construit l’Alternative » veut construire une force populaire, révolutionnaire et ancrée dans les luttes, présente dans la jeunesse, les quartiers populaires et les lieux de travail.

Nous voulons mener la bataille idéologique et sociale, organiser des actions directes et construire un rapport de force contre l’extrême droite et le capitalisme.

Un monde de justice, de démocratie et garantissant toutes les égalités n’est pas un rêve lointain, mais un projet à bâtir dès maintenant, collectivement et par en bas.

Dans l’immédiat, nous appelons à participer à toutes les mobilisations sociales et écologiques en cours, à commencer par la grève féministe du 8 mars, aux manifestations dans le cadre de la journée mondiale contre le racisme et le fascisme le 22 mars, le même jour à la rencontre des collectifs du NFP à Paris, ainsi qu’aux mobilisations nationales contre le définancement du secteur culturel ainsi que l’enseignement supérieur et de la recherche, etc.

Nous donnons rendez-vous à celles et ceux qui souhaitent construire une nouvelle politique démocratique, révolutionnaire et unitaire, plus que jamais nécessaire dans la période, pour une réunion nationale le 10 et 11 mai à Montreuil.